Manifestement fait pour torpiller la candidature de Julien Cornillet, le sondage de l'IFOP sur Montélimar fait une victime collatérale, qui n'a sans doute pas vu le coup venir : Franck Reynier. Ces résultats ne sont pas bons pour lui. Rarement on aura vu un maire sortant, en place depuis très longtemps, reculer autant avant même l'ouverture de la campagne des autres candidats. Analyse sous le scalpel de Jean-François Doumic.
Les chiffres sont cruels. Et la comparaison s'impose non seulement avec l'élection précédente mais aussi avec le reste de la France . Certes à Montélimar, les sondés d'octobre (1) étaient interrogés sur cinq listes alors qu'il n'y en avait que trois en 2014. Et les deux nouveaux venus, Julien Cornillet et Alice Thourot, raflent 34% des intentions de vote. Mais à qui les prennent-ils ?
En 2014, Reynier (52%) et FN (18%) totalisaient 70% des exprimés au premier tour. En octobre 2019, dans ce sondage, ils rassemblent au mieux 41%. Moins 29 points ! Le maire sortant est crédité de 31% (-21 points), l'extrême droite de 10% (-8 points). A gauche et chez les Verts, malgré la présence de deux listes centristes (Cornillet et Thourot) qui captent 34% des intentions de vote six mois avant les élections, la liste Coutard est créditée d'emblée d'au moins 25%, seulement 5 points de moins que la liste Matti en 2014.
Une évaporation de 21% d'électeurs pour le sortant malgré la chute de l'extrême-droite
Pour Franck Reynier, la lourde perte (moins 21 points) entre votes de 2014 et intentions de vote en 2019 est d'autant plus spectaculaire que, contrairement à la majorité des grandes ou moyennes villes, le maire sortant n'est pas en concurrence avec une liste écologiste, comme celles qui, ailleurs, font un tabac.
Et même dans ces villes où le sortant recule, toujours en comparant 1er tour de 2014 avec intentions de vote de l'automne 2019, la perte est plus limitée qu'à Montélimar. Exemples.
A Caen (2), la droite, qui tient la mairie et repart avec le sortant Joël Bruneau (LR) perd 5 points (de 49 à 44%) malgré un écolo qui fait plus que le double : 10% en 2014, 22% en 2019. Le PS s'effondre, de 26 à 11%, le FN/RN, comme on le verra dans presque toutes les autres villes, se maintient : 7% en 2014, 8 en 2019.
A Lille, les Verts progressent mais Martine Aubry ne recule que de cinq points...
A Lille (3), Martine Aubry ne perd que cinq points (30 contre 35 en 2014) face à une spectaculaire poussée écolo (18 contre 11% en 2014) ; la gauche de la gauche est stable (11 contre 10 en 2014), le FN/RN recule (11 contre 17) et la droite s'effondre, probablement du fait de l'apparition d'une liste LREM créditée de 15 points : UMP 23% en 2014, LR 11% en 2019.
Martine Aubry, au Conseil municipal de Lille (photo Sarah Alcalay / SIPA)
...et à Paris, Anne Hidalgo ne perd que douze points malgré Villani, Griveaux et la poussée des Verts
A Paris (4), Anne Hidalgo recule nettement (mais beaucoup moins que Franck Reynier) : 22,5% contre 34,4% en 2014 avec des écolos qui passent de 9% à 12,5%. La droite s'effondre : UMP en 2014, 35,7%, LR en 2019, 17%. Un FN/RN sans surprise qui stagne : 6,2 en 2014, 5% en 2019. Droite et gauche pâtissent évidemment ici de la double candidature Griveaux (17%) et Villani (14%). Fait remarquable : la convergence esquissée depuis quelques semaines entre les Verts et Villani donne, sur le papier, un total d'intentions de vote de 26,5%, quatre points au-dessus d'Anne Hidalgo !
Anne Hidalgo (photo AFP)
Dans la ville de Lyon comme à la nouvelle métropole, la situation est convergente quel que soit le territoire observé. Pour la première fois en effet, ces électeurs pourront voter pour leur commune et pour l'agglomération lyonnaise par deux votes distincts. Là aussi, le sortant est à la peine (à Lyon-ville), mais moins qu'à Montélimar et malgré la concurrence très rude des écolos.
A la métropole de Lyon, Collomb progresse et les Verts bondissent
Dans Lyon-Métropole d'abord (5), la comparaison absolue est impossible puisque c'est une première. Elle est cependant possible, avec quelques précautions, avec la présidentielle de 2017 ou les européennes de 2019. Là, non seulement Gérard Collomb, le régional de l'étape, ne recule pas malgré la concurrence de son successeur David Kimelfeld, mais il progresse de 3 points (par rapport à la présidentielle) alors que les écolos bondissent. IPSOS note, en commentaire de cette photographie à quatre mois du scrutin que "les écologistes d’EELV représentent aujourd’hui, et de loin, la principale force électorale à gauche dans la Métropole : les listes emmenées par Bruno Bernard obtiendraient 19% des voix" (contre 12,6% aux européennes NDLR), et ne laissent "que très peu d’espace à celles du PS (6%) et de La France Insoumise (4%)."
A droite, sur la Métropole, LR peine également à s’imposer, "en partie victime, note IPSOS, de la compétition entre Gérard Collomb et David Kimelfeld. Elle rassemblerait 14% des voix, bien loin des 23% obtenus par François Fillon au 1er tour de l’élection présidentielle, mais un peu mieux que les 10% de François-Xavier Bellamy aux européennes". Et à l'extrême-droite, ici comme ailleurs, le RN ne progresse pas : il est crédité de 11% (Marine Le Pen 13,5 % au 1er tour de de 2017 et la liste de Jordan Bardella 14,8% en 2019).
A Lyon, Collomb s'éclipse, les écolos doublent la mise et deviennent la première force de la ville
Dans la ville même de Lyon (6), le sortant Gérard Collomb passe la main en décembre à l’un de ses adjoints : Yann Cucherat, pour se concentrer sur la métropole. L’étude IFOP réalisé en novembre interrogeait donc les sondés sur «une liste de La République en Marche et du Modem», sans préciser de nom et la créditait de 17%. Si on compare ce score d’une liste anonyme à celui de Gérard Collomb en 2014 (36%), c’est donc une perte apparente de 19 points, encore derrière la perte de Franck Reynier : 21 points.
EELV bondit de 8,9% à 20%, devenant la première force politique à Lyon, la droite chute de 30% à 16%, le FN/RN se tasse de 12% à 10%. Le PS n'est cité que pour mémoire : porté par Gérard Collomb en 2014, il tombe de 36% des suffrages exprimés à 7% des intentions de vote en 2019. Un effondrement qui profite probablement à plusieurs forces : aux Insoumis, qui passent de 7,5% à 15%, aux écolos et, sans doute aussi un peu à LREM, absent en 2014.
Gérard Collomb, août 2018 (Joël Saget / AFP)
A Montpellier, EELV vire en tête avec 22%, le sortant DVG ne perd que quatre points
A Montpellier (7), les électeurs devront affronter deux nouveautés : l'apparition d'un courant écolo dominant et la candidature de cet Ovni qu'est Mohed Atrad, cet homme qui dit être resté "l’enfant du désert" mais qui est aussi un écrivain, le président du Montpellier Hérault Rugby et surtout le créateur d'une très belle entreprise de plus de 2 milliards de chiffre d'affaires. Un dernier sondage Harris le crédite de 10%, majoritairement issu de la droite et du centre, mais pas que. A l'évidence, l'homme va brouiller les cartes de la droite, qui semble s'effondrer : 23% au 1er tour de 2014, 8% dans ce dernier sondage.
Là aussi, l'extrême-droite stagne, de 14% en 2014 à 11% chez les sondés de novembre dernier. Là aussi la gauche traditionnelle passe sous les radars : 26% en 2014, 8% en 2019, sans doute un peu au profit des Insoumis, qui progressent de 8% à 12%, et beaucoup au profit des Verts, autrefois alliés de la gauche, aujourd'hui première force politique de la ville, crédités de 22% ! Et là aussi le sortant recule, mais infiniment moins que le maire de Montélimar : 4 points contre 21. Philippe Saurel, maire sortant divers gauche de Montpellier, avait réuni 23% au premier tour de 2014, en novembre 2019, Harris le crédite de 19% des intentions de vote.
A Bordeaux, le candidat LR recule davantage que Franck Reynier, mais il tente de succéder à Alain Juppé...
A Bordeaux (8), voilà l'exception : le recul du sortant est supérieur à celui de Franck Reynier. 33% contre 21% pour le Montilien. Le Bordelais Nicolas Florian est certes soutenu par toute la droite dont le Mouvement radical. Mais s'il est bien le maire sortant, il a succédé en cours de mandat à un certain Alain Juppé, dont le score de 61% au 1er tour de 2014 a quelque chose de stratosphérique pour une grande ville.
...et les Verts dirigent la coalition écolo-gauche !
Mais là aussi, comme dans tous les cas précédents (mais pas à Montélimar), c'est la percée des Verts qui fait chuter le sortant. Et pas n'importe qui : Pierre Hurmic, écologiste historique, crédité de 30%, est soutenue bien sur par EELV mais aussi par le PS, le PC, le PRG, Place publique et Nouvelle Donne. En 2014, il figurait sur une même liste, mais conduite par le socialiste Vincent Feltesse, qui avait rassemblé 23% des suffrages. 7 points de mieux à l'occasion du passage du rose au vert. Ici comme ailleurs, même tendance pour le FN/RN, qui passerait de 6 à 7%. Trois listes figuraient au premier tour de cette municipales de 2014 à Bordeaux contre sept sur lesquelles les sondés ont interrogés en 2019.
A Rouen, les Verts sont soutenus par le PC et mènent la danse...
Dernier exemple : Rouen. Avant même l'incendie de Lubrizol, les écolos s'envolaient :11% en 2014, 23% en septembre 2019 dans un sondage IFOP (9). Et encore, ce score (tête de liste Jean-Michel Bérégovoy) était obtenu avant le lancement de sa campagne et avant le ralliement d'un certains nombre de Rouennais dont les communistes locaux. Or ce renfort compte encore dans cet ancien fief de Roland Leroy, figure historique du PCF, décédé l'an dernier. Mais surtout cette pole position des Verts est obtenu avant le drame de Lubrizol, qui a évidemment dopé encore davantage le militantisme écolo.
Jean-Michel Bérégovoy (France 3 Normandie). Le Vert local est propulsé par le drame de Lubrizol
Outre cette domination écolo, Rouen est par ailleurs un terrain de jeu étonnant : à deux reprises l'IFOP y a été sollicitée pour départager les candidats pressentis. Au printemps par LR, au début de l'automne par LREM. Avec un résultat inattendu : LR a finalement lâché le "candidat de l'IFOP", Jean-François Bures, pour aller soutenir celui de LREM. Résultat : Jean-François Bures part comme candidat sans étiquette ! Côté En Marche, l'une des quatre personnalités testées par LREM, Marine Caron (UDI) n'a pas attendu le verdict des sondés pour se lancer elle aussi sans étiquette. Et le favori des sondés pour LREM, Jean-Louis Louvel, obtient un large soutien de la droite et du centre, LREM, MoDem, Agir, Centristes et LR. Dans ce sondage de septembre, il arrive juste derrière l'écolo, avec 22% d'intentions de vote.
...et le PS qui tenait Rouen ne perd que dix points, malgré un changement de tête
Et le sortant ? Yvon Robert, PS, maire de Rouen à deux reprises, ne se représente pas. En 2014, il obtenait 30% des voix au premier tour. Selon l'IFOP, en septembre 2019, la liste conduite par le socialiste Nicolas Mayer-Rossignol obtient 20%. Dix points de moins que le sortant, très loin des 21 points perdus par Franck Reynier.
Ce petit tour de France de l'avenir des sortants selon les sondages est partiel. Il ne s'appuie que sur les données existantes, c'est-à-dire sur les sondages publiés. Or ces sondages concernent dans tous les cas des villes plus grandes que la cité du nougat. Certes certains sondages concernant des villes moyennes sont commandés par les partis politiques mais à des fins purement internes et, tant qu'ils ne sont pas publiés, les instituts n'ont pas l'obligation de les transmettre à la Commission des sondages.
A Montélimar, une contre-performance que le sortant a deux mois pour effacer
Il est d'ailleurs probable qu'à Montélimar, le sondage d'octobre n'aurait jamais été publié par la Commission sans la "fuite" organisée par des adversaires de Julien Cornillet et l'insistance de quelques citoyens montiliens pour que l'IFOP se mette en règle.
Reste que cet automne, les électeurs sondés à Montélimar ont infligé à Franck Reynier une contre-performance spectaculaire quand on la compare à ces quelques villes où, globalement, les sortants limitent la casse. Cette contre-performance est d'autant plus remarquable qu'elle est enregistrée avant même le début de campagne de ses concurrents et malgré l'absence d'une liste écolo. Elle annonce aussi un second tour très incertain. S'ils votent en mars 2020 comme ils ont répondu à l'IFOP en octobre 2019, les Montiliens pourraient bien provoquer le changement.
Jean-François Doumic
Voir aussi :
- "Les résultats complets du sondage d'octobre".
- "Franck Reynier, candidat "très probable"".
Pour mémoire, la marge d'erreur commune à tous les sondages cités ici doit être prise en compte. A quelques décimales près, elle peut être de l'ordre de 3,3 points pour des résultats répartis autour de 20% ou de 80% et de 3,7 points pour des résultats situés autour des 30 ou 70%. A l'exception notable de Paris où, avec un échantillon de 1.043 personnes, cette marge tombe, pour les mêmes valeurs, à 2,5 et 2,8 points
(1) sondage IFOP pour les Républicains, 600 personnes interrogées en octobre 2019
(2) sondage IFOP pour les Républicains, 605 personnes interrogées en août 2019
(3) sondage IPSOS pour France Info et La Voix du Nord, 604 personnes interrogées en décembre 2019
(4) sondage IFOP pour Cédric Villani, 1.043 personnes interrogées en décembre 2019
(5) sondage IPSOS-STERIA pour France-Info et Le Progrès, 608 personnes interrogées en novembre 2019
(6) sondage IFOP pour Lord Nelson, 751 personnes interrogées en novembre 2019
(7) sondage Harris interactive pour Le Midi Libre, 611 personnes interrogées en novembre 2019
(8) sondage IPSOS pour France Bleu et Sud Ouest, 814 personnes interrogées en décembre 2019
(9) sondage IFOP pour la République en Marche, 601 personnes interrogées du 20 au 25 septembre 2019. L'incendie de l'usine Lubrizol a eu lieu le 26 septembre. Ce sondage n'a été publié par Paris-Normandie qu'après l'incendie.
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Les commentaires

Je n'avais pas vu ce commentaire de Massai. Typiquement médiocre et fielleux. La carte de presse, on nous le sort encore, quelle tristesse !
Pour votre information cher monsieur, Jean-François Doumic s'est vu décerner il y de nombreuses années la carte de presse n° 29.203. il a été grand reporter à Radio France International, a travaillé pour France Culture, France Inter et FR3, a été professeur au Centre de formation des journalistes puis a travaillé pour France Soir, journal qu'il a quitté quand celui-ci a été racheté par Robert Hersant. Il a ensuite fondé le Matin de Paris, grand quotidien national des années 80, avec Claude Perdriel et quelque autres amis journalistes. Jean-François est toujours un collaborateur occasionnel de quelques grands journaux. Votre remarque tombe peut-être un peu à plat.

Monsieur Massai, avoir une carte de presse ne veut pas dire que vous êtes journaliste, et loin de là d'ailleurs. Les cartes de presse ne sont distribuées que si vous en faites la demande et encore; elles sont contingentées et gérées par une commission très particulière. Un journaliste est celui qui écrit dans un journal. Vous pouvez être vous aussi journaliste monsieur....écrivez pour Montélimar New qui est un journal de presse libre, indépendant, d'information en ligne, dûment déclaré et syndiqué, inscrit à la CNMPP.
Je ne pense pas que les rédacteurs du DL ou Tribune aient une carte de presse ?

comparer Montélimar, 40000 habitants à des villes comme lyon, + de 513000en 2015, paris + de 2 millions, est une hérésie. Les enjeux ne sont pas les mêmes.
et analyse en opposition avec celle de la Tribune ou du Dauphiné Libéré ,faite par des journalistes ayant une carte de presse, ce qui n'est pas le cas de M.Doumic. Ses recherches sont poussées, mais concernent-elles vraiment Montélimar ?? Les Montiliens s'en fichent royalement des villes citées.Ce qui les intéresse, c'est leur quotidiens, leur quartier, leur bien-être. Les programmes réalistes et fiables financièrement leur importent plus .
Dans une commune comme Montélimar l'écologie ça va des repas bio et/ou végetariens dans les cantines , aux transports "doux"avec l'extension d'une zone à 30 km/h et le développement des pistes cyclables jusqu'à la création d'un guichet unique pour la rénovation énergetique des logements pour lutter contre la précarité energétique (guichet où l'on trouverait des conseils techniques , de l'aide pour trouver les financements et les adresses d'artisans spécialisés dans les économies d'énergie).
Et ce ne sont que quelques exemples ...

S'en est-il vraiment aperçu jusque là, s'en est-il préoccupé ? Maubec, Gare TGV, Envol, 300 logements au Nord...etc.
C'est dans l’œil que vous mettez le doigt, JFD !

Cyrano met le doigt là où ça fait mal. Tout le monde sait que Montélimar News est très grassement payé par Franck Reynier pour le conseiller dans sa campagne et lui révéler que l'écologie est devenue une préoccupation dominante des Français. Le maire ne s'en serait sans doute jamais aperçu sans MN.

OUI certes, mais peut-on vraiment comparer Montélimar, à Paris, Lyon, Lille, Montpellier et Rouen ?
En tout cas votre étude va bien aider le maire sortant, pas encore en campagne mais presque, à peaufiner son programme sur l'écologie.
Mais au fait c'est quoi l'écologie ?
Que les Montiliennes et Montiliens se réveillent que diable !
Face à l'urgence climatique et sociale, l'écologie est porteuse des solutions d'avenir au plan local comme au plan global. Son heure est venue, elle devrait être au cœur de la campagne des municipales, à Montélimar comme ailleurs..