Ce lundi 8 juin avait lieu - exceptionnellement au Palais des congrès et dans le respect des règles de distanciation physique - le premier conseil municipal depuis décembre dernier. Six mois dont quatre durant lesquels Franck Reynier, s'appuyant sur l'ordonnance gouvernementale renforçant ses pouvoirs, a dirigé la ville sans concertation avec ses oppositions et sans aucun partage des responsabilités. A l'ordre du jour de ce conseil trois délibérations particulièrement importantes: 1/ la prolongation des pouvoirs exceptionnels du maire ; 2/ l'exonération temporaire des droits de terrasses pour les restaurateurs, maraîchers et commerçants ambulants ; 3/ une ''aide'' de 250.000€ censée irriguer le commerce local via la coopérative Hello Montelo.
Un conseil entre les deux tours d'une élection municipale est un cas rarissime, pour ne pas dire une première. Heureusement, car ici comme ailleurs, les arrières pensées électorales ne peuvent que miner l'exercice. C'est bien ce qui s'est passé ce lundi 8 juin. Pour le maire sortant, Franck Reynier, en grande difficulté pour ce second tour, c'était une belle tribune et l’une des dernières occasions de faire campagne. Il ne s'en est pas privé. L'opération d'autopromotion s'est déroulée en trois temps.
Premier temps, retour avec force détails sur la période du confinement : s'appuyant sur une délibération autorisant le conseil à prendre acte du travail accompli, Franck Reynier, au cours d'un monologue d'une longue vraie demi-heure, a énuméré toutes les actions entreprises les mois précédents, des plus petites aux plus grandes.
Deuxième temps : solliciter l'autorisation du conseil de prolonger ses pouvoirs exceptionnels. Troisième temps, proposer deux délibérations, aussi fragiles l'une que l'autre en droit que consistantes en supposées retombées électorales. Mais deux délibérations dont il savait par avance qu'elles plongeraient les oppositions dans l'embarras et leur interdiraient toute attaque frontale.
Pouvoirs exceptionnels jusqu'à la fin de l'état d'urgence
La lecture très personnelle qu'a fait Franck Reynier de l'ordonnance n°2020-391 lui a permis de faire ce qu'il voulait sans rendre compte à personne de son action. Il n'est donc pas surprenant qu'il demande au conseil municipal de lui confirmer les pleins pouvoirs jusqu'à la fin de l'état d'urgence, ou, en tout cas, jusqu'à sa possible défaite dans trois semaines. Ce qui lui permettra de continuer à faire campagne sur le compte de la ville jusqu'à l'élection.
Evidemment le maire s'est attiré une salve de critiques. Alain Csikel, représentant de la droite nationale (qui ne se représente pas), a peu apprécié que le maire ait refusé d'organiser un conseil municipal exceptionnel, dans les premières semaines de la crise sanitaire, malgré l'obligation qu'il avait de le faire. Pas plus que de n'avoir fait connaître certaines informations importantes qu'avec retard, parfois plusieurs semaines, alors que l'ordonnance prévoit que cela soit fait "sans délai".
Sur ce point le maire a reconnu qu'il s'était contenté le plus souvent de faire suivre les communications officielles, en particulier réglementaires. Quant à convoquer le Conseil, il a considéré, a-t-il dit hier soir, que ce n'était pas la préoccupation des Montiliens.
Catherine Coutard. L'élu d'opposition conduira la liste "Plus belle ma ville" au second tour de l'élection, fin juin.
Même appréciation négative du côté de Catherine Coutard : "Vous avez bafoué la loi en ne respectant pas le cadre légal de l'encadrement (de l'ordonnance), y compris dans son esprit, en refusant le travail collectif avec l'opposition".
Salim Bouziane (groupe de gauche mais co-listier de la LREM Alice Thourot, qui s’est retirée) ne disait pas autre chose : "L'ordonnance a été détournée. Vous n'avez pas mis en place un plan d'urgence mais un plan de communication. Durant cette période vous étiez davantage préoccupé par l'élaboration d'une nouvelle stratégie pour reconquérir les électeurs".
Salim Bouziane. Venu des rangs de la gauche, il était en bonne place sur la liste d'Alice Thourot. Il n'est plus dans la course municipale.
Toutes les oppositions ont voté contre la prolongation des pouvoirs exceptionnels du maire.
Alain Csikel attaque le maire sur les conditions d'achat des masques
Le plus percutant et documenté, hier soir aura été incontestablement Alain Csikel, qui a enquêté sur les partenaires choisis par Franck Reynier pour se procurer les 70.000 masques à distribuer aux habitants de l'agglomération. L'élu s'est étonné qu'une commande d'un montant de 170.000 euros ait été confiée à Tisserand de Flandres, une minuscule EURL lilloise au capital de 1.500 euros. Franck Reynier avait auparavant déclaré dans la presse que cette société était en fait une filiale d'un "grand groupe belge", lequel, note Alain Csikel, affiche un capital de 18.000 euros seulement, des pertes chroniques, un endettement record et des effectifs évalués à 2,3 équivalents temps plein! Sans compter qu'une société unipersonnelle ne peut pas être une filiale d'une autre société, a-t-il rappelé.
Pour son baroud d'honneur, l'ex-FN Alain Csikel a fait très mal au maire sortant en rappelant notamment les conditions dans lesquelles les masques de l'Agglo ont été achetés.
"Vous nous prenez pour des billes", a ponctué l'élu de la droite national, qui, en conclusion de son réquisitoire, s'est senti le droit, puisque c'était "son dernier conseil municipal", de donner son impression : "Votre démarche d'agir seul sans vous encombrer du conseil municipal" avait pour but "de paraître dans la presse quoi qu'il en coûte, afin qu'on vous voit bien. Vous accusez les oppositions d'être dans le commentaire, mais forcément, puisque nous n'avons plus droit à la parole. Mais vous, vous êtes dans le mensonge, vous êtes aux abois et vous allez perdre les élections."
Pour toute réponse, Franck Reynier a reproché à Alain Csikel de polémiquer et de n'avoir pas été à Montélimar durant le confinement. Aucune réponse sur le fond.
Exonération des terrasses des cafés et restaurants. Un cadeau électoral sans base légale
Franck Reynier a l'intention, comme beaucoup d'autres maires en France, d'exonérer de toutes redevances et taxes jusqu'à la fin de l'année 2020 les entreprises bénéficiant d'une convention d'occupation du domaine public. Ce panel de mesures, qui a semblé recevoir l'assentiment de tout le conseil municipal (à l'exception de Nicole Astier, LREM), devrait bénéficier principalement aux cafetiers, restaurateurs, commerces alimentaires et marchands ambulants. Toutefois, la loi ne permet pas pour l'instant à la commune de prendre cette décision, ce qui lui avait été indiqué à l’avance par l'autorité préfectorale (voir l'article de Jean-François Doumic : La minute de l'homme qui ment).
250.000€ pour le commerce local ? Ou bien consommer Carrefour et McDo aux frais de la ville
Afin de soutenir le commerce local, Franck Reynier, a ensuite proposé au conseil de mobiliser 250.000€ qui irrigueraient l'économie montilienne via la mise en vente par les commerçants participant à l'opération de bons d'achats bonifiés par la ville : un bon acheté de 20€ donnerait droit à 25€ d'achat). La gestion de l'opération serait confiée à la SCIC Hello Montélo, coopérative d'acteurs économiques locaux dont la création a été initiée par la ville il y a un an et dont la ville est elle-même actionnaire ! (*).
Sur le principe, tous les élus d'opposition étaient d'accord, à l'exception une fois de plus de Nicole Astier. Par contre, le flou dont est entouré cette mesure lui a attiré de vives critiques, en particulier de la part de Karim Oumeddour, co-listier de Julien Cornillet. La délibération, observe l'élu, ne donne aucune précision, alors qu'il s'agit d'une somme supérieure à l'ensemble des subventions versées par la ville aux associations. Même la convention liant la ville à Hello Montélo n'est pas annexée à la délibération, faute d'avoir été rédigée. "En l'état il m'est impossible de voter cette délibération" explique Karim Oumeddour, qui juge le dossier mal préparé. "Nous ne savons pas quelle part de la somme ira réellement aux commerces, quelles sont les règles d'attribution, quels produits seront concernés, quels commerces en bénéficieront, comment le dispositif sera encadré..."
Karim Oumeddour, colistier de Julien Cornillet, a mis une forte pression sur le maire en montrant la faiblesse de son dispositif de soutien au commerce local.
Des préoccupations qui seront également énoncées par Salim Bouziane, Catherine Coutard et Stéphane Morin, mais souvent de manière plus soft.
Tête de liste des diverses composantes de la gauche et des écolos, Catherine Coutard a suggéré que le dispositif devrait bénéficier prioritairement aux petits commerces et aux artisans. Elle a proposé qu'à cet effet soit introduit dans la convention une limitation de la taille des commerces pouvant adhérer au dispositif.
Réponse assez remarquable de Franck Reynier : l'opération ne sera pas lancée avant que la convention avec les partenaires soit rédigée. Votez la délibération et nous vous communiquerons la convention lorsqu'elle sera disponible. "Vous nous demandez de signer un chèque en blanc de 250.000€" a résumé Karim Oumeddour, qui a cependant voté la délibération.
Le maire a dit qu'il s'était conformé aux avis des associations économiques montiliennes, lesquelles ne souhaitent aucun fléchage du dispositif. En d'autres termes, les produits accessibles avec les bons pourront être à peu près n'importe quoi et achetés à peu près n'importe où, du moment que ce serait sur le territoire communal. Dans ces conditions, il est peu probable que cela bénéficie aux commerces et restaurants du centre-ville, moins nombreux et moins importants en surface que ceux des zones sud et nord, partenaires de l’opération.
On pourrait s'étonner que les diverses oppositions se soient rendues aussi facilement. Sans doute faut-il se replacer dans le contexte : personne n'a souhaité fournir à Franck Reynier un argument de campagne sur l'air de "Voyez, ils ne soutiennent même pas le commerce local". Tous le voient déjà avec un pied dans la tombe. Pas très satisfaisant pour les observateurs et les citoyens. La politique a décidément ses lois.
Patrice Lemitre
*Les partenaires sont "Cap au nord", "Montélimar Sud", "Montélimar Coeur de Ville", la coopérative d'activité Prisme et le département de la Drôme.
- Commentaire(s) : 1
Les commentaires

Lors du conseil municipal, je me suis permis de dénoncer quelques mensonges du Maire, notamment sur la provenance des masques.
La seule réponse du Maire est une question concernant mon domicile, "rappelez-nous où vous habitez, moi j'étais à Montélimar"
Il s'agit donc d'une attaque personnelle pour ne pas répondre sur ses mensonges.
C'est pourtant lui qui écrivait dans sa lettre aux montiliens regretter les attaques personnelles : "surtout lorsque les attaques franchissent le seuil de la vie privée".
Donc les attaques personnelles sont justifiées lorsque c'est le Maire qui les porte.
En réponse, je précise que je n'habite plus Montélimar, mais je continue à payer des impôts sur la commune et surtout j'ai assumé mon mandat d'élu, sans aucune défaillance tout au long de ces 6 ans.
Par contre, pourquoi n'a t-il pas parlé de son adjointe Patricia Brunel-Maillet, qui n'habite pas Montélimar, mais vie avec son mari Christian Maillet à Valence ?
La encore, ce qui compte c'est mentir pour faire croire, mentir pour la bonne cause...
Un bon programme pour un Maire.