En vieux français, le verbe glaner exprime l'action de ramassage rapide de glands tombés au sol sous une feuillue de chênes. Un peu à la manière d'une gallinacée qui cueille avec volupté sa nourriture jonchée sur la terre. Sauf que le glanage concerne (puisqu'il s'agit de glands dont la grosseur excède largement celle du grain de maïs) la variété porcine (sanglier, truie, marcassin), exceptionnellement quelques caprins que j'ai vus, personnellement à l'oeuvre, dans mon enfance cévenole.
Pourquoi au fait dis-je cela ?
Ah, oui. Voilà. J'écoute régulièrement les radios et télévisions publiques, et je dois avouer être perturbé par les messages ou les émissions relatifs aux élections européennes du 25 mai 2014. Même mon émission favorite « Le Dessous des Cartes » (ARTE), me fait ce samedi 18 mai 2014, le coup de la lutte contre l'euroscepticisme. Et avec quelle conviction. Un petit bijou de propagande. Ô Jean-Christophe Victor, tu ne nous a pas habitué à cette souplesse de l'esprit !
J'entends donc en boucle des propos ou des publicités annonçant à peu près ceci :
* « s'abstenir, c'est faire le jeu du Front national » ;
* « s'abstenir, c'est faire le jeu de l'UM/PS » ;
* « s'abstenir, c'est faire le jeu des eurosceptiques et des nationalistes » ;
* « s'abstenir, c'est faire le jeu des députés allemands » ;
* « s'abstenir, c'est faire le jeu de l'hyper austérité » ;
* « s'abstenir, c'est faire le jeu des ennemis de la démocratie » ;
* « s'abstenir, c'est laisser la Commission de Bruxelles faire ce qu'elle veut (n'est-ce pas déjà le cas, d'ailleurs ?) » ;
* « s'abstenir c'est donner tout le pouvoir au Conseil européen » (ah, bon ; est-ce nouveau ?) ;
* « s'abstenir c'est amoindrir les pouvoirs du Parlement européen (en a-t-il beaucoup depuis 1979 ?)» ;
* « voter blanc, c'est s'abstenir » (ah !) ;
* « boycotter, c'est s'abstenir » (ah !) ;
* « s'abstenir, s'abstenir, s'abstenir. » !
Bon, je résume : ces élections européennes sont menacées par l'abstention. Quelles que soient les options retenues (et les mises en garde les plus étonnantes sont celles contre le « vote blanc » et le boycott), l'électeur n'aura pas le choix.
* Soit, il se déplace, glisse son enveloppe dans l'urne (elle doit être remplie d'un bulletin, sinon c'est de l'abstention d'après les augures du gouvernement!) et joue le jeu imposé par le paradoxe démocratique.
* Soit il reste chez lui (pêche, chasse, désillusions.) et la doxa poético-médiatico-politicienne l'affublera du vilain sobriquet de « déserteur du beau projet européen » que nos « vaillants pères fondateurs » ont mis tant d'années à élaborer pour le bonheur des peuples.
Pourtant, toutes les professions de foi-papier que nous avons tardivement reçues dans nos boîtes à lettres, nous assurent, la main sur le coeur, que « l'Europe de demain va changer » ou que « c'est une autre Europe qu'il nous faut ! ». Ah bon !
On remerciera volontiers nos journalistes, éditorialistes et commentateurs de radios et télévisions publiques se s'abstenir (eux aussi) de nous submerger de ces arguments. A moins que leurs intérêts ne fussent guidés uniquement par le souci de mettre des politiciens face à face et de compter les points du pugilat ? Modèle habituel des émissions dites « politiques » !
Gérard Molines, Montélimar