Montélimar news a vécu en direct la naissance de la ''Première Assemblée générale fédérative des «gilets jaunes» de la Drôme''. C'était dimanche 20 janvier, près d'Allan. Prochain RV dans deux semaines.
C'était comme en mai 1981 : tous les nommés autour de la table, les autres derrière et la presse dehors. Autre point commun entre le premier conseil des ministres de François Mitterrand et la première AG des «gilets jaunes» de la Drôme : j'y étais avec mon petit carnet de journaliste, mais pas longtemps !
Là s'arrêtent les similitudes : à l'Elysée je m'étais glissé avec les photographes avant le début du conseil et ne suis resté que quelques secondes après le début. J'avais beau m'être recroquevillé sur une petite chaise cannée et dorée, les huissiers avaient beau ne connaître personne de ce nouveau monde, je faisais tâche.
Dimanche à Allan, arrivé tard devant une salle ouverte, je suis entré, me suis assis à côté d'un autre spectateur et ai longuement pris des notes au vu et au su de tout le monde. Jusqu'à 10 minutes avant la fin. Jusqu'à ce qu'une «gilet jaune» fasse une intervention bien construite sur la tenue des réunions et le maintien à l'extérieur de la presse. Ah, suffit de me le dire ! Respectueux d'une règle probablement édictée dans la matinée en mon absence, je suis sorti immédiatement et j'ai poursuivi mes prises de notes avec les quelques GJ sortis en fumer une.
Je venais quand même de vivre en direct la naissance de la "Première Assemblée générale fédérative des «gilets jaunes» de la Drôme".
Sur la route d'Ayguebelle
Le temps était frisquet mais le soleil était là ; le lieu était bien choisi : une salle privée ne dépendant ni d'un maire ni de Bernard Tapie, 200 m² entourés d'un espace vert et d'un parking, un ensemble pas du tout blingbling. A la sortie d'Allan, sur la route d'Ayguebelle. Juste un peu loin pour certains : à trois quarts d'heure de Valence ou de Crest, à 1h30 pour les courageux délégués venus de Die.
L'ambiance était studieuse et attentive. Au centre, un carré de tables rassemblait une vingtaine de délégués ; derrière les «non-mandatés», à peu près aussi nombreux. En tout une quarantaine de présents avec une légère majorité d'hommes, des «gilets» venus de plusieurs coins de la Drôme dont Montélimar sud, Montélimar nord, Loriol, Valence, Crest, Die, Nyons. Mais encore quelques ronds-points absents.
Dans l'après-midi, la discussion, parfois confuse, a porté pêle-mêle sur les projets d'actions et les questions d'organisation, dont notamment le rythme des AG départementales et la prise de parole des non-mandatés.
Photos (DR MN) : en haut, discussion animée entre quelques "Gilets Jaunes", à l'extérieur / Ci-dessus, Cilasz de Die / Ci-dessous : communiqué de presse signé "Gilles et John"
Le huis-clos décidé pour maintenir la presse hors murs n'a probablement pas changé la teneur des débats : que la police se rassure, aucun coup d'état n'y a été évoqué, du moins tant que j'étais là. Ni aucune recette explosive de cocktail forcément molotov. Ni même aucune élection d'un super «gilet jaune» comme chef à surveiller par ce qui resterait des RG.
S'il n'y a pas eu de grand débat politique, c'est parce que, jusqu'à un certain point, il y a un consensus évident sur le rôle des «gilets jaunes» : exister le plus longtemps possible, être visible donc ajouter aux présences quotidiennes sur les ronds-points ou assimilés, des actions plus coordonnées et donc plus massives et, en tout cas ici, dans la Drôme, ne pas avoir de plateforme revendicative précise hors le référendum d'initiative citoyenne, un RIC si consensuel qu'il fut à peine évoqué et qu'il n'est pas repris dans le communiqué final.
Une journée pour se connaître
Mais alors, à quoi a passé la journée ? A se connaître ! Pas si simple quand on vient de tout le département et qu'on passe ses journées sur les ronds-points et pas dans des réunions. Mais ça marche. "Il faut respecter la structure de nos réunions, dit une déléguée de Crest, et notamment notre engagement de finir à 16h". Et à 16h pétantes, les portes de la salle s'ouvraient et les participants poursuivaient dehors leurs échanges.
"On a pris plein de notes, dit une autre déléguée, on fait retour à notre base et dans 15 jours on revient avec les décisions prises par la base dont l'approbation de ce qui s'est dit ici". Oui mais les «gilets jaunes» non délégués, quelle place on leur fait ? "Si les réunions sont toujours ouvertes (aux non-mandatés), vous n'avancerez pas", lance un délégué. "Alors on dit ouverte au public mais avec parole limitée pour les non-mandatés", dit un autre. Un 3e est plus catégorique : "Si tout le monde est d'accord on continue mais avec silence des non-mandatés".
Cette question fondamentale de «Qui parle» est somme toute un grand classique de toutes les assemblées, mais ce dimanche elle se complique encore par l'existence d'une 3e catégorie : les auto-mandatés. "A Montélimar sud, il n'y avait personne pour nous mandater", dit un représentant de cette famille (1).
Autre débat esquissé, tout aussi important : quelle marge de manœuvre pour les mandatés ? "Ils doivent pouvoir prendre des décisions, dit un délégué, sinon on tourne en rond". Comme en écho, un envoyé de Montélimar nord tente vers 15 heures une synthèse de la journée en forme de réquisitoire contre le manque de décisions : "Je n'ai toujours pas compris pourquoi on est là. Quel est notre objectif. Je vais retourner voir mon groupe mais je ne sais pas quoi leur dire sauf qu'on a une prochaine réunion dans 2 semaines". L'une des déléguées les plus actives lui répond : "On est là pour se fédérer, d'abord la Drôme, puis Rhône-Alpes puis la France". "D'accord, rétorque le Montilien, mais pour se fédérer, il ne faut pas de trous de deux semaines entre deux réunions".
Commercy ou pas Commercy
Le consensus s'est quand même fait sur ce rythme des réunions, étant acté que les mandatés de cette fois-ci ne seront peut-être pas ceux de la fois suivante ou ne pourront peut-être pas se libérer à la prochaine date. Une déléguée m'explique à la sortie que si le rythme bi-mensuel a fait consensus, c'est parce qu'il faut bien tenir compte des obligations professionnelles pour certains, des actions quotidiennes, des actions hebdomadaires (Acte 10, 11.) et aussi de l'éventuel déplacement à Commercy dans la Meuse, défendu bec et ongles par un Montilien, qui ira "mandaté ou pas".
"La coordination de Montélimar, expose-t-il, prépare la montée à Commercy. 550 kilomètres aller, autant pour le retour, départ samedi matin retour dimanche. Ce sera le bordel mais il faut y être". Le temps a manqué pour débattre de ce déplacement mais la discussion s'est poursuivie à la sortie. Commercy, m'explique un délégué, c'est un peu les "anti-organisation".
Partie de cette petite ville de Lorraine, bien avant le 17 novembre, une association locale, Là qu'on vive, a développé une pratique prônant un municipalisme libertaire et le mouvement a pris : dès le 17 novembre, il y avait un grand drapeau marqué communalisme libertaire au principal rond-point de Commercy. Ce sont notamment ceux de Commercy qui disent dans un de leur dernier manifeste : "Ne mettons pas le doigt dans l'engrenage de la représentation et de la récupération". Aux antipodes des «gilets jaunes» qui envisagent de se présenter aux élections. Mais peut-être une sorte de signal faible. Quelque chose comme Socialisme et Barbarie ou les situationnistes des années 50/60 qui portaient en germe mai 68. Bref un débat qui ne se tranche pas en 5 minutes, juste avant de libérer la salle. Commercy, c'est aussi le refus du jeu des partis, et ça fait écho, à Allan: "Même Mélenchon et Le Pen, me dit un délégué après l'AG, s'ils arrivent au pouvoir, ils gèreront le système".
A la CGT: "Occupez-vous de la grève générale, on s'occupe du reste"
Dimanche à Allan, la "Première assemblée générale fédérative des «gilets jaunes» de la Drôme" s'accorde assez facilement sur les actions à conduire. Les échanges sont productifs. Les avis divergents sont exposés et le consensus s'obtient sans vote sur quelques grandes lignes : opération escargot, pas de blocages, grande manifestation à Valence, continuité des actions locales, délégation à Commercy pour le rassemblement du 26 janvier.
Quant aux syndicats, ils sont invités à rester en marge. Le délégué crestois très en verve raconte : On a rencontré la CGT. Ils veulent qu'on travaillent ensemble. Nous leur avons répondu : "Occupez-vous de la grève générale, on s'occupe du reste". Un isolationnisme qu'en aparté regrette un "gilet jaune" par ailleurs militant FO.
Un seul vote dans l'après-midi : sur le communiqué, rédigé, lu et amendé avec maestria par Cylasz, un des délégués de Die. Signe de reconnaissance : déguisé et maquillé en clown. "Je suis comme ça tous les jours". Un communiqué adopté à l'unanimité. Il est vrai que le texte ne dit pas grand chose. Le plus petit dénominateur commun, genre communiqué du G8 version «gilets jaunes» : "En ce jour du 20 janvier, les «gilets jaunes» de la Drôme se sont réunis pour un premier contact, se rencontrer et se structurer. Nous avons décidé de nous réunir à nouveau sur des AG régulières et de nous coordonner pour des manifestations communes". Le texte se termine par un appel : "Nous invitons tous les groupes n'ayant pas pu venir à nous rejoindre pour les prochaines AG". Signé Gilles et John. Normal.
Jean-François Doumic
(1) Précision
Des gilets jaunes de Montélimar nous ont indiqué lundi matin que les GJ de Montélimar étaient bien mandatés. Il y avait, nous dit-on, deux représentants, un homme et une femme pour respecter l'équilibre des genres. Il nous a été précisé également que ce mandat ne valait que pour cette AG d'Allan et que pour la prochaine AG, prévue dans une quinzaine de jour (peut-être à Loriol) d'autres représentants seraient élus. Nous n'avons pas dit autre chose et avons bien vu les deux mandatés de Montélimar nord et entendu l'un d'eux s'exprimer à plusieurs reprises. Nous avons également clairement entendu un GJ du sud dire à l'assemblée, vers 15h : "A Montélimar sud, il n'y avait personne pour nous mandater". Cette précision a été apportée par quelqu'un se trouvant à quelques mètres derrière le délégué du nord, qui n'a pas contesté ce propos. L'examen de l'enregistrement ou du verbatim de l'AG permettra de savoir si nous avons bien ou mal entendu. Ajoutons que certains médias avaient fait savoir qu'ils souhaitaient être informés à l'issue de l'AG. Mais aucun point presse n'a été tenu à la sortie, au cours duquel des précisions auraient pu être données. JFD
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Les commentaires

Agnès, normal que les GJ tournent en rond. Mais les Hébreux ne s'y sont pas pris autrement pour faire tomber les murailles de Jéricho.
Faut donc peut-être prendre au sérieux ces adeptes de l'escargot (sur les autoroutes) et vérifier dans les semaines suivantes s'ils avancent vainqueurs comme la tortue de La Fontaine ou à reculons comme le crabe de ma Normandie.

Bon ,si je comprend bien, on tourne un peu en rond, Normal !