Grand connaisseur de l'histoire locale, expert du patrimoine bâti, le médiéviste plaide depuis des années pour une politique globale articulant ''préoccupation patrimoniales, exigences écologiques et esthétique''. Le message s'adresse à tous futurs élus de la Ville et de l'Agglomération, bien que Catherine Coutard lui semble être la plus à même de porter la politique de ses voeux.
A Montélimar, un choix décisif
Ne nous voilons pas la face, le deuxième tour des élections municipales à Montélimar est une étape décisive non seulement pour le devenir de la cité des Adhémar mais aussi, par contrecoup, pour celui de l'agglomération qui regroupe 26 communes rassemblant plus de 60.000 habitants.
La longue et inédite période de confinement, dont on ne mesure pas encore exactement l'ampleur des dégâts psychologiques et sociaux, a pu en revanche donner le champ libre, pour certains d'entre-nous, à des occupations que l'on remettait sine die ou mieux, à méditer sur "l'humaine condition". Il n'est certes plus besoin de démontrer depuis Paul Valéry (1871-1945) que "nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles" mais il est bon d'avoir toujours en mémoire l'extrême fragilité des hommes et des choses. C'est pourquoi nous devons avoir une attention toute particulière quant à la conservation et à la mise en valeur de notre patrimoine, qu'il soit "bâti", "paysager" ou "immatériel".
Tout comme les choix urbanistiques du passé ont construit l'identité de Montélimar, il est évident que les orientations futures façonneront la ville et son territoire. Mais le développement durable et harmonieux de la cité des Adhémar ne se fera que si les édiles sont en capacité de s'entendre sur une vision globale, articulant préoccupations patrimoniales, exigences écologiques et esthétiques, notamment par la réalisation concrète d'actes d'embellissement incluant des créations véritablement artistiques.
L'application concertée d'une politique de réhabilitation d'ensemble du patrimoine, tout en soignant particulièrement les lieux emblématiques, apparaît comme particulièrement opportune si l'on veut ouvrir de réelles perspectives touristiques et commerciales dans le coeur urbain tout comme aux alentours. Aussi cette politique patrimoniale n'aura davantage de sens et de portée que si elle est menée sur l'ensemble de l'agglomération (les 26 communes). Un moratoire sur les zones artisanales et sur les lotissements peu "aménagés", pourra être envisagé. Un cahier des charges exigeant et précis, intégrant les susdites préoccupations, devra être annexé au PLUI (Plan local d'Urbanisme Intercommunal) afin de mettre fin aux cas les plus disgracieux.
De fait les constats sont alarmants : voilà trois décennies que Montélimar souffre d'une politique "à l'emporte-pièce" et l'année écoulée fut marquée au fer, dans le cadre de l'opération Cœur de ville, par le bétonnage excessif (éventail de béton désactivé) de son centre-ville. Au bétonnage systématique des rues autour de la collégiale historique Sainte-Croix, il nous faut ajouter celui de son jardin public, œuvre de l'architecte François Duvillers en 1856, qui ressemble plus aujourd'hui à un parc d'attraction qu'à un jardin à l'anglaise !
Nous passerons sur l'état des maisons du centre ancien dont beaucoup sont dans un état de délabrement avancé et bien des logements y sont insalubres. Ici la politique du "laisser-aller" et du "laisser-faire" des dernières municipalités a eu des conséquences dévastatrices.
En ce qui concerne le patrimoine archéologique, dont il est maintenant une tradition qu'il soit méprisé, nous ne citerons qu'un seul exemple : au cours de l'été 2016, la villa viticole de Maubec, datée des IIe-IIIe siècles, comprise dans le lotissement du même nom, faisait l'objet d'une importante fouille de sauvetage, opérée par l'INRAP (Institut National de Recherche Archéologiques Préventives). L'ensemble, plutôt bien conservé, fut sacrifié !
La nouvelle municipalité devra donc aussi s'atteler à dresser un état sanitaire de la ville et tout particulièrement de son centre-ancien et aussi en inventoriant les richesses patrimoniales, ce qui n'a jamais été fait sérieusement. Elle devra s'appuyer dans ses analyses comme dans ses projets sur des "sachants", à condition qu'ils fussent "sages".
Alors que retentirait l'allali par terre* du maire sortant, de plus en plus isolé dans sa dérive autocratique, il me paraît opportun que la "Liste Citoyenne, Ecologiste et Solidaire", emmenée par Catherine Coutard, dont on sait la pugnacité, se prépare à affronter les enjeux futurs, qui exigeront concertation et cohérence ; car tout porte à croire que nous n'allons pas vers des lendemains qui chantent et qu'il y aura désormais peu de place pour les décisions de courte vue et le clientélisme.
Hervé-François Orband, Historien médiéviste & archéologue du bâti, co-auteur de "Histoire de Montélimar", Editions Privat
*NDLR : l'allali (ou hallali) par terre est un terme de chasse à courre signifiant que l'animal pourchassé est à terre, entouré par les chiens.