C'était la première rencontre et probablement la dernière, entre les trois candidats restant en lice pour le second tour de l'élection municipale : Catherine Coutard (Plus belle ma ville), Julien Cornillet (Montélimar demain) et Franck Reynier (Montélimar ensemble). Un premier aperçu des nouvelles propositions des candidats mais aussi de leur stratégie de second tour. Débat organisé mercredi 17 juin dans les locaux du quotidien.
Avant de nous pencher sur le fond, un mot sur la forme : Julien Cornillet, plus à l'aise que lors du débat de premier tour sur FR3, n'a cessé de prendre Franck Reynier pour cible, en épargnant autant que possible Catherine Coutard, à qui il a même parfois concédé des convergences de vu. A certaines de ses propositions, assez sociales, on peut même se demander s'il ne voudrait pas rogner un peu l'électorat de centre gauche de Catherine Coutard. Il y a des voix de centre gauche à récupérer chez les partisans d'Alice Thourot.
Franck Reynier était lui aussi plus à l'aise que lors du débat du 26 février, où il avait été poussé dans les cordes par les attaques des trois autres candidats présents. Visiblement regonflé par la chance inespérée d'avoir pu se mettre en scène en maire protecteur de sa population, il n'a jamais perdu son calme et à pu dérouler un programme largement nouveau et assez seyant - lorsqu'on ne l'examine pas de trop près - sans faire preuve d'excès d'agressivité.
Enfin Catherine Coutard s'est trouvée souvent en situation de "juge de paix" arbitrant le duel entre les deux candidats de droite. Ses rares piques étaient cependant toute dirigées vers Julien Cornillet, son adversaire le plus sérieux.
Franck Reynier, très offensif
Quelles réserves de voix et pour qui ?
Franck Reynier est arrivé troisième avec 24,2 %, loin derrière Julien Cornillet, qui a rassemblé 34,2% des voix et même derrière Catherine Coutard (25,6%). Pourquoi dans ces conditions se maintenir au second tour ? ont demandé les journalistes du Dauphiné. Réponse de Franck Reynier : "Parce que la crise Covid a rebattu complètement les cartes. Mon plan de relance, que je suis le seul à proposer, va me permettre de convaincre les Montiliens qu'ils ont besoin d'une équipe expérimentée".
"Où sont vos réserves de voix ?" a demandé ensuite Franck Reynier à Catherine Coutard. 'Vous étiez l'unique représentante de la gauche au premier tour…".
La tête de liste de "Plus belle ma ville" a tenu deux raisonnements : Premièrement, dit-elle, un important gisement de voix résiderait dans les nombreux abstentionnistes du premier tour. Sa liste rassemblait toutes les composantes de la gauche, la sensibilité écologiste et aussi les animateurs du collectif Osons Montélimar, autour du commerçant du centre-ville Jacques Sébille. "Cela a pu laisser penser à nos soutiens qu'ils n'avaient rien à départager, qu'ils pourraient se contenter de se rendre aux urnes au second tour".
Deuxièmement, ajoute-t-elle, "nous parlons bien plus largement. Notre programme est le seul véritablement écologique". Au contraire de "mes compétiteurs, qui se découvrent une fibre écologique tardive. C'est aussi le seul solidaire, le seul pour la participation citoyenne... nous avons des réserves !". Le fait est que les soutiens se sont multipliés ces derniers jours pour la tête de liste de "Plus belle ma ville".
Catherine Coutard, souvent en arbitre
Second tour ou second premier tour ?
Les candidats se sont attardés longuement sur un point qui parait pourtant à première vue de peu d'importance. Somme-nous à la veille d'un second tour classique ou d'un second premier tour ? Pour Franck Reynier, qui veut faire oublier son échec du 15 mars, c'est évidemment un second premier tour, "Un 2e tour, ce n'est pas 85 jours après !".
Entre temps, les données ont changé et donc le programme du candidat également. Rien ou presque n'est en effet resté du projet initial de Franck Reynier. "En tant que maire, j'ai utilisé ce temps pour l'action et en tant que candidat, je l'ai utilisé pour réfléchir à un plan de relance…" a précisé le maire sortant.
Faux, d'après Julien Cornillet, qui n'a pas modifié sensiblement, lui, son programme. "On essaie de nous faire croire que c'est une nouvelle campagne, mais c'est un second tour. Certains (comprenons les amis de Franck Reynier) sortent un nouveau programme parce qu'ils n'avaient pas d'idées pour le premier tour et maintenant, je suis d'accord avec vous Madame Coutard, ils vont en chercher dans les autres programmes".
Catherine Coutard a considéré pour sa part qu'il y avait du vrai dans les deux positions. "C'est un tour totalement différent de ce qu'il aurait dû être. Nous avons rajouté des mesures d'urgence parce qu'il y a urgence, mais nous n'avons pas changé le fond du programme, qui répondait déjà aux urgences de l'heure".
Julien Cornillet, Franck Reynier, même combat ?
Un débat un peu surréaliste dont Catherine Coutard a estimé qu'il ne passionnerait pas les électeurs. "Il s'agit de la bagarre entre deux hommes de la même famille politique. C'est Thierry Cornillet, père de Julien, qui a mis Franck Reynier en place à la mairie. Maintenant Cornillet fils conteste le pouvoir à Franck Reynier, l'ancien choisi. C'est plus une bataille d'égo, une bataille d'hommes qu'une bataille de projets".
On retrouve là les éléments d'un raisonnement que les partisans de Plus belle la ville répandent déjà depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux. Même s'il est difficile de nier que les deux candidats de droite se situent tout deux au centre droit, on peut constater tout de même que leurs projets sont bien différents.
Julien Cornillet, anti-Reynier
Les journalistes ont interrogé les candidats sur leur méthode de campagne, sujet peu passionnant, mais la question vache posée à Franck Reynier nous a étonné : "Comment faites-vous campagne, autrement qu'avec les moyens public ?" Le maire sortant de Montélimar n'a pas relevé l'ironie de la question.
Quelles mesures "Covid" dans les programmes ?
Côté Covid, Julien Cornillet est le moins-disant dans ce domaine. "Avant tout nous avons une méthode. Avant de prendre des mesures, il faut un dialogue avec les gens et les acteurs, de l'équité dans les mesures que vous allez prendre et avoir une vision, un cap. Des mesures spécifiques que l'on sort comme ça du chapeau, c'est de la com ; quand vous avez déjà la méthode qui vous permet de faire face aux crises, vous n'avez pas besoin d'effets d'annonce."
Le raisonnement est peut-être un peu abstrait pour beaucoup d'électeurs qui auraient sans doute préféré avoir des choses limitées mais plus concrètes à se mettre sous la dent.
Catherine Coutard a reconnu avec Julien Cornillet que "ce qui est important c'est d'avoir un projet global. Un élu ou un candidat a toujours des dizaines de mesures à prendre en compte". L'urgentiste avait néanmoins préparé quelques mesures à mettre en avant. "La première urgence pour moi, c'est l'emploi des jeunes, les plus touchés par la crise. Je propose de doubler les services civiques et de développer des projets vacances dans les quartiers de la ville en embauchant des animateurs et des éducateurs";
Elle compte reprendre le dispositif des bons d'achat de Franck Reynier mais en le modifiant pour favoriser les petits commerces et les producteurs locaux. De pérenniser la gratuité des parkings le samedi et de soutenir les entreprises de BTP en leur confiant des travaux du quotidien, comme l'aménagement des trottoirs et l'entretien des espaces sportifs.
Réduction des impôts, ou pas ?
Franck Reynier a été le plus disert sur ce sujet car il a entièrement renouvelé son programme et pouvait faire état de ses initiatives de maire : "Je propose du concret. Les acteurs économique sont en difficulté et, en tant que maire, j'ai pris des mesures d'urgence, avec une exonération sur les taxes locales, les bons d'achat… En tant que candidat, je poursuivrais les actions déjà lancées, mais il faudra aller plus loin. J'ai décidé de baisser la fiscalité, pour rendre du pouvoir d'achat aux ménages. La ville s'est désendettée de 18% sur le mandat, l'Agglo de 45%. Sa situation est saine".
"Professeur Cornillet" contre "élève Reynier"
"Pourquoi ne pas l'avoir fait avant, alors ? a demandé Julien Cornillet. Comme le maire tardait à répondre à la question, le candidat LR a lourdement insisté et Franck Reynier à finalement lâché : "Professeur Cornillet dites-moi ?"
"Oui élève Reynier, pourquoi n'avez vous pas proposé dès le premier tour cette baisse d'impôt puisque la situation de la ville le permettait ?"
"Parce que il y a eu le COVID ! Et parce il y a de nouvelles priorités à définir. Renoncer à des investissements pour plus de gratuité pour les riverains, pour le centre-ville. J'ai dû m'adapter. Il y a six mois, je ne savais pas ce que j'aurai à faire aujourd'hui. Je ne suis pas un donneur de leçon, je ne suis pas professeur et je ne suis pas l'élève de M. Julien Cornillet. Je veux rendre du pouvoir d'achat aux Montiliens, je baisse les impôts, c'est mon choix".
Le maire sortant a néanmoins précisé que cela signifiait aussi de renoncer à certains investissements structurants. En particulier il a avoué renoncer à construire le parking sous les Allées provençales. Moyen bien pratique d'évacuer un projet dispendieux qui s'était attiré énormément de critiques. Il n'en reste pas moins que le point a été marqué par Franck Reynier.
Une fois de plus mise en situation d'arbitre par les journalistes, Catherine Coutard les a renvoyé dos à dos : "Ils ont le même programme, alors forcément ça tire d'un côté et de l'autre". Sur le fond, l'élue de gauche a néanmoins critiqué à mots couverts l'initiative du maire, en plaidant pour la poursuite des investissements. "La crise ne passera pas si cette collectivité n'investit pas sur l'avenir". Mais elle suggère des économies, "sur les dépenses de communication et de réception, qui ont été très élevées tout le long des mandats du maire. Nous ferons des économies sur les études inutiles et nous n'auront pas non plus à payer 1,2 M€ à un promoteur qui ne le mérite pas…"
Logiquement, elle ne baissera pas les impôts mais rappelle qu'elle a promis qu'elle ne les augmenterait pas. "Nous tiendrons cette promesse". Un peu plus tard, Julien Cornillet a dit exactement la même chose. Aucun des deux candidats n'a cédé à la surenchère fiscale du sortant.
Social
Interrogé en premier sur ce sujet, Julien Cornillet évoque d'abord la déscolarisation des plus précaires. Clin d'œil à la gauche ? "Sur ce point je rejoins Madame Coutard qui a en aussi parlé - nous devons mettre les moyens avant la rentrée et pendant la rentrée pour récupérer ceux qui ont été déscolarisés".
Catherine Coutard embraye sur le même sujet. "Si des associations proposent du soutien scolaire nous les accompagnerons, mais nous leur laisserons l'initiative. Par contre, nous proposons la réinstauration des bonnes vieilles études à la rentrée, pour faciliter la re-scolarisation des enfants". L'élue d'opposition s'est dit également attentive au problème des logement des plus précaires, pour lesquels la Ville recherchera des solutions.
Franck Reynier, sans surprise, était en retrait sur le social. "Les précaires ont été bien plus touchés que le reste de la population mais les amortisseurs sociaux ont été efficaces. Il y aura de l'aide d'Etat aux communes pour ces populations". Autrement dit, il ne faut pas trop attendre de la Ville.
Les associations
Durant sa campagne Julien Cornillet a beaucoup parlé des nouvelles relations qu'il envisageait avec les associations. Il y est revenu : "Il faut reconnaître le monde associatif à sa juste valeur. Leur donner les moyens qu'il faut. Pour cela il faut d'abord mieux les connaître. Elles ont besoin de plus de considération et d'accompagnement, d'une mairie plus proche d'elles. La question des subventions est un épineux problème. Il faut revoir le système. Elles doivent être plus équitables et attribuées sur la base de critères tangibles et vérifiables."
Beaucoup d'associations se sont plaintes de n'être pas soutenues par la municipalité. Julien Cornillet a évoqué le cas de Montélimar Triathlon, qui a engagé des dépenses pour un championnat de France qui n'a pu avoir lieu et n'a pu obtenir même partiellement la subvention exceptionnelle promise. "Il faut mettre en place des mesures d'accompagnement pour compenser ce qui a été dépensé par certaines associations et qui ne générera pas les recettes attendues. S'il y a eu engagement pour une subvention exceptionnelle qui a donné lieu à des dépenses, nous financerons".
Catherine Coutard est, elle aussi, "très attentive aux associations, qui ont été d'une richesse incomparable dans la période de confinement. Nous devons beaucoup aux bénévoles". A leur sujet, elle distingue deux problématiques: les finances et les salles.
Sur le plan financier, "il faut être prêt pour des subventions exceptionnelles, pour des prêts de long terme ou encore en faisant appel au mécénat. On pourrait créer une fondation pour le tissus associatif de Montélimar…" Beaucoup d'associations seraient également en manque de salles pas chères, problème auquel elle compte remédier. Enfin, pour faire remonter la motivation des bénévoles, elle propose de les mettre en avant au cours de deux évènements d'ampleur : "une grande fête du patrimoine montilien" et "un festival de tous les talents, où les réalisations des associations seraient mise en valeur".
Franck Reynier de son côté reconnaît qu'on lui "reproche souvent de n'être pas assez participatif" et propose de réunir les présidents d'association et les personnalités associatives, afin de définir avec eux "des critères objectifs afin de tout remettre à plat". Ce qui revient implicitement à accepter les critiques de Julien Cornillet.
Sur les subventions exceptionnelles, concernant Montélimar Triathlon, cela semble toujours être une fin de non-recevoir. "Pour une assoc qui avait prévu d'organiser une manifestation, qui l'a annulé et qui n'a rien engagé, je ne pense pas qu'il soit logique que la collectivité verse de l'argent." Quoique le maire précise quand même un peu plus tard : "lorsque des frais ont été engagés, nous devons accompagner…"
MN
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