Patrick Labaune, ancien poids lourd politique du Département, comparaissait hier devant le tribunal correctionnel de Grenoble. Le parquet a été particulièrement dur dans ses réquisitions.
Vous vous rappelez probablement qu'en octobre 2017, à la suite d'un rapport incendiaire de la Cour des comptes portant sur la gestion du Département de la Drôme, Patrick Labaune a été poursuivi pour "détournement de fonds publics et/ou recel". Pour l'essentiel on lui reproche d'avoir autorisé la collectivité dont il était le président à continuer à payer l'ancien directeur général des services, très lié aux élus socialistes, pendant 14 mois après un vrai-faux départ, tout en lui conservant ses avantages en nature: téléphone, voiture et carburant... Deux autres cadres de l'ancienne majorité auraient bénéficié d'arrangements de même nature (voir notre article Emplois fictifs au Conseil départemental : la Cour des Comptes accuse?).
Hier, mardi 11 septembre, Patrick Labaune comparaissait devant le tribunal correctionnel de Grenoble au sujet de cette affaire. Le procureur a été impitoyable envers l'ancien élu, demandant à la juridiction de le condamner à 30.000 euros d'amende, à la privation de ses droits civiques pour cinq ans, à l'interdiction à vie d'exercer un mandat électif et, pour faire bonne mesure, à deux ans de prison avec sursis. Ca ne rigole pas, au parquet de Grenoble!
Pour arranger les choses, le Département, toujours aux mains des amis politiques de Patrick Labaune, s'est constitué partie civile et réclame 225.000 euros d'indemnisation.
Une sévérité d'autant plus étonnante que somme toute la défense de Patrick Labaune tenait assez bien la route. Joël Crémilleux était bien ce qu'on appelle un "DGS politique", plus politique que technicien en fait - et de surcroît très lié à l'ancien président Didier Guillaume. Moi qui l'ai connu à l'époque où il était DGS adjoint de Rodolphe Pesce à la mairie de Valence, je peux témoigner qu'on lui faisait déjà ce reproche.
Mettons-nous à la place de Patrick Labaune, lorsqu'il arrive à la tête du Conseil départemental: il ne peut évidemment pas garder cette personne pour diriger ses services. Ni la mettre au placard tout en lui conservant son salaire net de 6800 € par mois. Cela se faisait autrefois mais les collectivités n'ont plus les moyens de pratiques aussi dispendieuses. Malheureusement Joël Crémillieux est un fonctionnaire territorial bénéficiant d'un CDI. Plutôt que de le virer pour une faute difficile à prouver et qui à tous les coups se soldera par un procès dont l'issue est plus qu'incertaine pour la collectivité, Patrick Labaune a préféré suivre le conseil des avocats du Département et son service des ressources humaines. C'est du moins ce qu'il prétend et cela paraît crédible. En substance, on se sépare de l'encombrant en l'arrosant copieusement. Pas de bruit, pas de procès coûteux et c'est le contribuable qui paye: tout le monde est content.
Sauf la Cour des comptes qui tombe sur l'os. Il n'empêche, il faut être un peu hypocrite pour refuser de voir le dilemme auquel était soumis Patrick Labaune. Dilemme qui pendant des décennies s'est résolu au moyen de ce genre de bidouilles bancales, soyez-en sûr. Ce qu'on peut surtout reprocher à Patrick Labaune, élu de la génération précédente, c'est de ne pas avoir perçu que les choses ont changé et que ses avocats comme son directeur des RH lui donnaient de très mauvais conseils. Mais qui croit vraiment que Patrick Labaune a détourné des fonds publics à des fins personnelles? Soyons sérieux: personne.
Certes Patrick Labaune a été à bien des égards un élu dont je trouvais les positions et les pratiques détestables. Certes il s'est avéré bien léger dans cette affaire. Mais je trouve aussi que l'opprobre qui est jetée sur lui par le parquet de Grenoble est très exagérée.
Le jugement a été mis en délibéré jusqu'au 20 novembre. Quelle que soit la décision du tribunal, il est clair que, pour Patrick Labaune, l'heure de la retraite a sonné.
PL
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Les commentaires

Il n'avait qu'à écouter les anciens, ainsi il n'aurait pas pris un coup de couteau dans le dos.

Non, T. Kon, vous faites -un peu- erreur.
Souvenez-vous de l'affaire d’Outreau. La presse a fait alors des milliers d'articles pour dénoncer à juste titre les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire. Pas une condamnation !
Oui le code pénal pose des limites à la critique, mais les mentalités évoluent : au XIXe, un simple ricanement à l'énoncé d'un jugement pouvait vous coûter cher. Au XXIe,faut vraiment mettre le paquet pour être condamné. Même Henri Gaino, qui disait de la mise en examen de Sarkozy que c'était une «décision grotesque», une «salissure pour la France», n'a pas été inquiété.
Pourtant, la lecture de l'article 434-25 du Code pénal peut faire peur (c'est fait pour) : "Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende." Bigre ! Je suppose que les finances de MN auraient du mal à s'en remettre.
Mais le législateur a glissé quelques mots pour rassurer Patrice Lemitre : "Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d'une décision." Bref, contextualiser n'est pas fauter.
Et si Patrice était encore inquiet, qu'il se rassure à la lecture de la suite : "Lorsque l'infraction est commise par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables." En clair, si quelqu'un doit prendre six mois ferme après cet article, ce ne sera donc pas lui mais le président de MN.
Vous êtes rassuré, T. Kon ?

Autant que je sache, la loi interdit - en principe - de commenter une décision de justice, non?
En l’occurence, celle-ci n’ayant pas encore été rendue, merci à Patrice Lemitre pour son intéressant point de vue sur le réquisitoire du procureur.
Lequel proc., peut-être se sera fait la main sans risque à jeter le haro sur le baudet, succès de prétoire facile et bon pour sa carrière.
Quant aux ex-copains de Labaune, pourquoi se gêner? Partant, tout autant sans risque, à l’attaque, ils se blanchissent d’autan, et s’apprêtent à se nourrir grassement sur la bête.
Qu’il est doux, bien à l'abri, de jeter la pierre sur autrui… Zut, c’est aussi ce que je fais ici.